Wednesday, May 30, 2007

Christophe XV


Christophe me susurre à l’oreille, dis-donc, qu’est ce qui t’a pris ma mignonne…ne me dis pas que tu es jalouse? Je lui réponds par une moue de petite fille prise en défaut. Tut-tut-tut qu’il me fait. Tu sais bien qu’il n’y a que toi maintenant ma toute petite. Il est charmant, je trouve. Un vrai prince. Tout à coup j'ai le droit d'être inconduite.

Avant que tu ne puisses t’asseoir à ton tour, un jeune serveur se dirige vers notre table avec des menus recouverts de cuir noir aux écritures dorées sous le bras. Il se déplace au ralenti, ses chaussures seraient doublées de guimauve que je n’en serais pas surprise; il salue au passage un jeune couple dont la femme est enceinte jusqu’aux oreilles, et s’arrête près de nous. Un sourire imbécile mais heureux est plastronné sur son visage, et son regard semble s’évader au-dessus des clients. Peut-être est-ce un petit pétard grillé avec le cuisinier quelques minutes plus tôt qui le rend si baba cool. Bonsoir bienvenue chez Senso’s, le meilleur endroit en ville pour manger straticella, pastas, ansalata et tutti quanti, Marcello pour vous servir, qu’il nous dit, cabotin. Peut-il nous servir un apéro, certainement tu lui réponds, ce sera Pernod pour monsieur et Pineau pour madame, parfait merci qu’il dit et nous souhaite une bonne soirée. Marcello se dirige machinalement vers le bar. Tu me regardes d’un air complice et je te fais un clin d’œil. Nous savons tous les deux qu’il en sera ainsi. Une excellente soirée. Tu retires le chewing-gum de ta bouche, le roule en petite boule symétrique, la colle dans le cendrier, puis t’assied en face de moi. De l’autre côté de la vitrine, des passants transis de froid nous regardent et envient la chaleur et les odeurs réconfortantes qu’ils imaginent mais ne peuvent sentir.

Le resto est bondé. Les gens sont bruyants, quelques-uns sont enivrés. Certains parlent et rient la bouche pleine de carpaccio et de fettucinis Alfredo, d’autres servent du Chianti à leurs voisins de table en éclaboussant les nappes blanches. À ma droite, se trouve un couple dans la jeune vingtaine. Je tourne discrètement la tête en leur direction, jambes croisées. Tu ouvres ton menu et en débute la lecture en plissant les yeux; puis-je te remettre tes lunettes certainement baby. J’attrape mon sac à main sur le dossier de ma chaise, en retire tes lunettes. Je les dépose sur la table. Marcello arrive et dépose un verre de Pineau devant moi, se retourne vers toi et s’excuse ne plus avoir de Pernod, ce n’est pas très en demande ici, dit-il, confus, et te propose un martini. Non, dis-tu en grimaçant, non non, apportez-moi plutôt le vin tout de suite, un merlot Domaine de Ravanes 2000. Je fixe à nouveau le couple, tu souris en me voyant faire, et retournes à ton menu.

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