Thursday, March 29, 2007

Christophe (VII)

Christophe est debout devant la porte, verre de vin à la main. Tu as fait ce que je t’ai demandé, ma jolie? Je le regarde, je souris. Je suis à bout de souffle. Oui, voilà. Avant de déposer mes sacs, avant de retirer mon manteau, je lui tends mon poing fermé. Il me regarde, ravi. Il ouvre la main et je laisse glisser le string dans sa paume. Il le frotte lentement entre ses doigts, le porte à son visage et le hume en fermant les yeux, tout en continuant de le caresser. Il sourit, satisfait. Il prend une gorgée de vin, sent mon sous-vêtement une autre fois avant de le déposer sur le comptoir de la cuisine, derrière lui. Il se dirige vers moi, dépose son verre de vin sur la table près de l’entrée, enlèves ton manteau, donne-moi tes choses. Il m’aide à retirer mon manteau, le range dans la penderie, prends mes bagages et disparaît quelques instants dans une autre pièce. J’essuie mes bottes avec minutie sur le tapis mais ne les retire pas.

L’appartement de Christophe est immense; c’est une ancienne école de formation pour infirmières du début de siècle. Christophe a acheté l’immeuble il y a quelques années avant de le rénover et d’en faire deux condos. Le sien, situé à l’étage, compte au moins 7 pièces. La plus grande, dans laquelle nous nous trouvons, la cuisine/salle à manger/salon, est la plus spacieuse. Toutes les boiseries sont d’origine, ainsi que les planchers de pin. J’adore ces planchers. Mes pas y résonnent comme nulle part ailleurs. Je m’avance dans la pièce. Il y a un feu dans la cheminée, de la musique joue, je crois reconnaître Bach mais je n’en suis pas certaine, je ne m’y connais pas vraiment en musique classique, un seau à glace contenant une bouteille déjà entamée et une coupe vide qui n’attend que d’être remplie sont déposés sur la table à café. Je suppose qu’elle est à moi. Mon regard se promène sur les nombreuses photos en noir et blanc accrochées aux murs. Il s’agit de photos de corps, ou plutôt de morceaux de corps, car on n’en voit que certaines parties. C’est un jeu de trompe-l’œil. Ce sont des photos suggestives de près, mais de loin, elle ont l’air de montrer autres chose. Des bouts de seins qui s’échappent d’un décolleté plongeant, des poignets liés par des cordes, des hanches bien rondes entre des mains d’hommes, toutes en noir et blanc. Ces photos sont toutes soigneusement encadrées et disposées en damier sur le mur du fond de l’appartement. L’effet est saisissant. Mon regard se fixe sur l’une d’entre elles, au centre. On y voit une bouche de femme, grande ouverte, lèvres que je devine peintes en rouge, et le bout d’un sexe masculin en érection apparaît dans le coin inférieur droit. De loin, avec l’effet de la perspective, on jurerait que c’est un gros plan d’une femme hurlant dans un micro. Je me fais la réflexion qu’il ne doit pas y avoir souvent d’enfants en visite dans cet appartement pour y exposer de telles photos.

J’entends Christophe, ses pas sont feutrés, il est chaussé de pantoufles. Il s’approche de moi, tu as bien fait ça, j’ai mis tes choses dans la chambre, raconte-moi comment tu as fait pour retirer ton slip, tu as été rapide, dis-donc – il m’offre du vin, bien sûr, j’accepte, l’alcool me fera le plus grand bien, il en verse délicatement dans la coupe vide sur la table à café, puis va chercher la sienne. Je lui souris, je suis nerveuse mais je ne crois pas le montrer, je bois mon vin d’un trait et dépose à nouveau la coupe sur la table, vide, déjà. Christophe y verse encore du vin, ma parole, tu es assoiffée, il est content mais inquisiteur, il attend, je reprends la coupe de ma main droite et nous portons un toast à ma réponse qui ne saurait tarder, Christophe me fixe droit dans les yeux, et moi je me surprend à baisser aussitôt le regard pour fixer mes pieds.

Mais qu’est-ce que je fous?

Je suis belle, désirée, et c’est comme ça qu’il faut que je sois, c’est ce que je veux, non? Je relève la tête, il attend ma réponse, j’ai peur, Christophe sourit et a les tempes grisonnantes, ça me rassure. Tu es belle, il me dit. La musique m’enivre, le vin est délicieux, mes sens s’engourdissent doucement, la chaleur du feu est bonne et mes cuisses se réchauffent peu à peu. Christophe s’assied sur le canapé et me fait signe de m’asseoir près de lui en tapotant sa main sur le coussin. Viens ici.

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