Monday, March 12, 2007

Christophe (IV)

J’ai garé la voiture directement en face du condo de Christophe. J’ai de la chance. Je n’aurai pas à tournoyer pendant une demi-heure autour du pâté de maison, ni à faire attendre Christophe. J’ai déniché un stationnement inconnu des fêtards de la rue St-Laurent et boudé par les résidents du quartier, entre deux conteneurs à déchets, près de l’église et derrière le restaurant Thaï dont Christophe m’a parlé afin de bien s’assurer que je n’y aille pas. De son balcon, il peut voir ce qui se passe derrière le restaurant, et je n’ai pas demandé à en savoir plus. Je le crois. Le seul problème, c’est qu’en sortant de ma voiture, je dois faire beaucoup de bruit pour effrayer temporairement les rats engraissés aux vieux restants de rouleaux de printemps afin qu’ils ne m’importunent pas alors que je sors de ma voiture. Je n’ai jamais eu la désagréable surprise de tomber face à face avec l’un d’eux, mais je n’ai pas la moindre envie de prendre la chance. Les souris et les rats me font faire des cauchemars horribles, les femmes ont toujours eu peur des souris, c’est bien connu, ils me font revisiter mes souvenirs de femme au foyer, je fais mon lavage, dans ma maison de banlieue générique, et là, tout au fond de la salle de lavage, parmi le linge sale, une souris! Quelle horreur! AAARGH! Je crie, je hurle, au secours, aidez-moi quelqu’un, alors pour ne pas que ça arrive, je fais tout un tabac dès que j’ouvre la portière de la voiture, je chante, Ginette Reno, pourquoi pas, Au fil de l’eau, on voit son âââââme…avec le temps…on devient fââaaâmme… Je m’extirpe de la voiture avec difficulté, la ceinture de sécurité s’emmêle dans mon manteau, mes bas stay-ups se déroulent d’un seul trait long de mes cuisses, quelle invention diabolique que ces bas de merde, s’ils n’étaient pas si sexy j’en ferais des attaches pour sacs à ordures, je fait claquer mes talons pour effrayer les rats, je brasse mes bagages, je fais du bruit. Cette expérience devient de plus en plus complexe, je relève mes bas en prenant soin de ne pas y faire d’accroc et tant qu’a être sous ma jupe, je vérifie que mon string supplémentaire se trouve bien au chaud entre mes cuisses, tout est en place. Je suis maintenant debout, à côté de ma voiture, et je tente de tout transporter d’un seul coup. Tout est là : mon bagage pour le week-end avec tout ce que Christophe m’a demandé, ma caméra numérique, mon sac à main. Je prends tout sur mes épaules, et je verrouille les portières en cliquant sur mon porte-clé. La réservation est à 7 h 30 pile, ne soit surtout pas en retard m’a dit Christophe au téléphone avant que je ne quitte l’appartement. Et n’oublie pas ce que je t’ai demandé de faire... Mais non, mais non, Christophe, je n’oublierai pas.

Comment puis-je oublier ?

0 people had something to say: