Saturday, March 24, 2007

Christophe (VI)

De toute façon, avant même d’accepter de me plier à ses exigences, j’avais déjà mon plan B en tête, et je souriais à l’idée que je réussirais à le déjouer. Je suis accoutumée aux victoires faciles et à remporter les matchs sans trop d’efforts, et l’occasion était trop belle pour refuser. Je me mobilise jusqu’à la victoire, jusqu'à ce que l’adversaire reconnaisse qu’il m’a sous-estimée. Vaincre l’adversaire tout en feignant sa propre défaite demande un sens de l’analyse rigoureux et une vision à long-terme que j’aiguise depuis l’adolescence. Et puis je ne grogne pas, moi. Quand je mords, c’est pour ne lâcher prise qu’avec le morceau de chair entre les dents. Je prévois les coups et jette de la poudre aux yeux pour que l’adversaire s’enorgueillisse de ses petits succès jusqu’à en perdre le sens du combat. Je vois loin. Et j’attends. J’attends patiemment le bon moment pour déclamer ma victoire haut et fort. Qui de nous deux gagne, au bout du compte? C’est moi, ça ne peut être que moi. Je gagne ou je ne joue plus. Je gagne ou je tue. Je gagne ou je meurs. J’aveugle l’adversaire par l’euphorie de sa victoire, puis je l’accule au pied du mur. Sa victoire a un prix. Je l’ai laissé gagné, maintenant, je le fais payer. Il paie, et donc je gagne. Fin de la partie. Mon ultime stratégie militaire est de perdre volontairement mes batailles afin de mieux gagner la guerre. La guerre de quoi, la guerre de moi, je ne sais trop.

À nous deux, Christophe.

Je traverse la rue, en faisant bien attention de ne pas glisser, je porte des bottes à talons tout de même, et la froidure me pince les cuisses et les fesses, nues sous ma jupe. Devant la porte du condo de Christophe, je dépose mes sacs sur le trottoir, et j’appuie sur le commutateur de l’interphone afin de l'avertir que je suis arrivée. Il est 18 h 56.

-Oui?
-C’est moi, Christophe.
-Tu as fait ce que je t’ai demandé?
-Bien sûr! Tu m’ouvres? On se les gèle! Et ce n’est pas métaphorique!
-Bien. Montes, alors!

Le timbre de la sonnette retentit, déverrouillant d’un coup afin que je puisse monter chez Christophe. Je pousse la porte, et la main dessus, je me retourne afin de prendre mes sacs, de me les accrocher à l’épaule tout en laissant la porte ouverte à l’aide de mon postérieur en proie à la froidure, je me retourne à nouveau, j’entre dans le vestibule, referme la porte, et rapidement, d’un seul geste, glisse ma main sous ma jupe et retire mon string caché entre mes cuisses en le gardant bien au chaud au creux de ma main. Chaud et humide, qu’il a dit Christophe. Il va être servi, parce que de toute évidence, malgré le froid qui ronge, ça m’excite, ce petit jeu. Je monte lentement les escaliers, sourire coquin, le cœur battant d’excitation, en faisant résonner mes talons à chaque marche. Christophe a laissé la porte de son appartement entrouverte. Arrivée en haut des escaliers, je la pousse doucement et j’entre chez lui.

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