Tuesday, February 27, 2007

Christophe (II)

Les bottes enfilées, je peux maintenant me vêtir décemment. Je choisis une jupe de laine noire, évasée et un chemisier de coton blanc. Mon soutien-gorge lilas se fait discret mais est tout de même visible sous le coton blanc. C’est voulu. Je me dirige vers le salon afin de vérifier le temps qu’il fait et celui qu’il fera demain. Je lève le store de la fenêtre du salon. Il ne neige pas, du moins pas encore. Les trottoirs semblent toujours aussi glacés, par contre. Je regarde mes pieds. Se chausser ainsi ne semble pas, à première vue, une excellente idée. Surtout en plein hiver, au lendemain d’une tempête de verglas. Ce n’est pas logique. Dépourvu de sens. Mais c’est conséquent avec moi-même. Je voudrais qu’on me contrarie, que l’on me dise que ça n’avait tout simplement pas de bons sens. Mais voilà, pas de chance, je suis toute seule dans mon 5 ½ et personne ne contestera mon choix insensé. Ridicule, voyons ! Tu vas te péter solidement la gueule, te tordre une cheville, te geler les orteils, te ramasser à l’hôpital! C’est vrai. Je sais tout ça. Je prend le risque. Si j’étais une femme raisonnable, sensée et prévoyante, je laisserais les bottes à talons dans la garde-robe, et j’enfilerais mes bottines d’hiver à crampons. Mon côté pratique l’emporterait sur ma coquetterie. Mais, que voulez-vous, je suis comme ça. Je n’ai jamais été une grande fanatique de la logique, de la raison ni de la prévoyance. Coup de cœur et spontanéité ont toujours été mes mantras, et l’esprit de contradiction règne en maître chez moi. Alors, comme j’étais seule à la maison et qu’il n’y avait personne pour me dire que j’étais folle de sortir ainsi chaussée, j’ai allumé la télé et syntonisé la chaîne Météomédia, en quête d’un avis rassurant, ou tout le moins une preuve tangible de mon étourderie.

Je voulais m’assurer des prévisions météorologiques. Une blonde à la voix nasillarde, qui porte le même prénom que ma mère, usait de son charme à vulgariser pour un public néophyte le fonctionnement du système dépressionnaire. « Le Québec est sous un dôme d’air arctique. » Elle faisait un petit chapeau avec sa main droite et la plaçait au-dessus de sa main gauche, en l’agitant dans un mouvement de va et vient. « Le refroidissement éolien cinglant se fera surtout sentir près du Labrador, où les vents seront particulièrement présents. » Elle traçait énergiquement des cercles autour du Labrador sur une carte géographique, à l’aide d’un crayon magnétique. Nous, téléspectatrices, pouvions voir ces graphiques en gros plan et en couleurs sur notre écran. Le Québec était d’un beau bleu royal s’adoucissant vers le bleu vert plus au sud. « Le vent continuera de croître sur les régions du nord et soufflera de plus belle sur Montréal et les environs, de telle sorte que le refroidissement se fera plus incisif ce soir. » Elle dessinait maintenant de longs traits gras, du haut vers le bas, de sorte qu’il y avait maintenant sur l’écran quelque chose ressemblant à un tronc d’arbre coupé. « Il ne neigera pas d’ici les prochaines vingt-quatre à quarante-huit heures, mais le froid sera intense. Ne sortez pas inutilement et si vous le faites, portez un chapeau! » L’animatrice avait maintenant sorti une énorme tuque de laine rose d’on ne sait trop ou, c’est la magie de la télé, et s’en était affublée. Elle trouvait bien amusante cette façon de terminer son bulletin, les miss météo portent toutes des chapeaux, me suis-je dit, et elle nous souhaitait une bonne soirée à travers ses gloussements. Je suppose qu’elle trouvait rigolote l’idée de porter une tuque rose dans un studio télé. L’horloge numérique à l’écran indiquait 6h06, il faisait présentement moins dix-sept degrés, moins vingt-huit avec le facteur vent, et le bulletin de météo nous avait été présenté grâce à « Sinutab. Pour mieux respirer quand on ne peut plus sentir. » Et un gros nez que l’on devinait morveux apparaissait à l’écran.

2 people had something to say:

Anonymous said...

Cute! :-)
Je dois dire que quand il fait moins que'quchose, j'ai tendance à suivre le gros bon sens et à m'affubler d'un attirail digne du bonhomme Michelin.
Ensuite, ma soeurette-pépette d'enfer est venue en vacances à Montréal, ce qui a réveillé ma pépette intérieure, qui du coup s'est acheté des bottes d'hiver à TALONS HAUTS! Si.
Compensés, et à semelles de caoutchouc, mais quand même, y'a de l'espoir! :-)

Bridges said...

Bienvenue dans mon délire, tassili! On a toutes une pépette qui sommeille en soi, plus ou moins cachée, c'est selon!

N'empêche qu'en talons hauts, en février, c'est classe...:)